Gastronomie bordelaise : en 2023, Bordeaux a franchi le cap des 1 870 restaurants recensés par l’INSEE, soit +12 % en cinq ans. De l’huître du Bassin d’Arcachon aux canelés caramélisés qui s’exportent jusqu’à Tokyo, la capitale girondine s’impose comme une scène culinaire majeure. La multiplication des étoiles Michelin – 12 au total en 2024 – confirme cette dynamique. Dans cet article, je décrypte les faits, les chiffres et les tendances qui façonnent aujourd’hui les spécialités culinaires de Bordeaux. Place à l’analyse.

Panorama 2024 de la gastronomie bordelaise

Bordeaux conjugue héritage et innovation. La ville, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2007, attire à la fois les touristes œnophiles et les foodies en quête d’expériences locales. Selon l’Office de Tourisme métropolitain, 6,3 millions de visiteurs ont circulé dans la cité en 2023 ; 68 % déclarent avoir choisi une table typiquement bordelaise comme activité prioritaire.

Quelques repères chiffrés :

  • 12 restaurants étoilés, dont Le Quatrième Mur de Philippe Etchebest, étoile conservée pour la huitième année consécutive.
  • 45 établissements labellisés « Maître Restaurateur ».
  • 29 marchés alimentaires hebdomadaires, du Marché des Capucins à celui, plus confidentiel, de Saint-Michel le samedi matin.

D’un côté, la haute gastronomie consolide son prestige. De l’autre, la bistronomie responsable séduit les Bordelais soucieux de leur empreinte carbone. Le ratio menus végétariens/menus carnés a ainsi basculé à 40 / 60 dans les cartes du centre-ville, contre 15 / 85 seulement en 2018.

Pourquoi les chefs bordelais misent-ils sur la bistronomie responsable ?

La tendance n’est pas un simple effet de mode. Elle repose sur trois moteurs factuels :

  1. Pression réglementaire : la loi AGEC (2020) impose aux restaurants de réduire le gaspillage alimentaire de 50 % d’ici 2030.
  2. Attente client : 54 % des Girondins privilégient aujourd’hui un établissement affichant l’approvisionnement local (baromètre Kantar, 2024).
  3. Opportunité économique : le ticket moyen d’un bistrot durable flirte avec 34 €, soit +7 € par rapport à un bistrot conventionnel, selon l’UMIH Nouvelle-Aquitaine.

Philippe Etchebest (chef, animateur, mentor) l’a résumé lors du Salon FoodTech de mars 2024 : « Le futur de la cuisine bordelaise s’écrira autant dans le compost que dans l’assiette ». À la manœuvre, une génération montante : Vivien Durand (Le Prince Noir), Tanguy Laviale (Garopapilles) ou encore la cheffe colombienne Mariana Orozco, installée rue du Palais Gallien, qui propose un ceviche aux barbecues de sarments de vigne.

Qu’est-ce que le canelé de Bordeaux ?

Question récurrente sur Google. Le canelé est un petit gâteau cylindrique, à la fois croustillant (extérieure caramélisée) et moelleux (cœur à la vanille et au rhum). Né au XVIIIᵉ siècle, il doit sa forme à un moule en cuivre cannelé. Production codifiée depuis le dépôt de la confrérie du Canelé de Bordeaux en 1985. Taille traditionnelle : 55 g, cuisson à 230 °C pendant 50 minutes.

Spécialités emblématiques et nouveaux incontournables

Les intouchables

  • Entrecôte à la bordelaise : sauce à la moelle, vin rouge AOC Médoc, échalotes confites.
  • Lamproie à la bordelaise : poisson de la Garonne mijoté dans son sang, datée dans les livres de recettes de 1453.
  • Huîtres du Bassin d’Arcachon : 10 000 tonnes commercialisées en 2023, dégustation record lors du Marathon du Médoc.

Les néo-classiques

  • Ramen au bouillon de bœuf bazadais (La Maison Ramen, cours Victor-Hugo).
  • Café au latte de noisettes du Lot-et-Garonne (L’Alchimiste, rue de la Vieille Tour).
  • Tacos de maigre de l’estuaire (Cantina Loca, quartier Saint-Pierre).

Certains puristes grincent des dents. Pourtant, les données montrent que 38 % des commandes Deliveroo à Bordeaux incluaient en 2023 un plat dit « fusion ». Loin d’un reniement, ces recettes renouvellent l’image d’une région longtemps résumée au bœuf et au vin rouge.

Tendances à surveiller pour les 12 prochains mois

  1. Fermentation artisanale : miso de haricots tarbais chez Symbiose, kombucha de raisin chez Munchies Lab.
  2. Dessert zéro déchet : peaux de pommes golden séchées en crisp et chocolat Moriba (Bean-to-Bar).
  3. Cave à manger low ABV (faible alcool) : La Brasserie des Chartrons prévoit une carte à 8 % vol. max d’ici septembre 2024.
  4. Street-food sous influence basque : le jambon Ibaïona fait une percée sur les comptoirs des Halles de Bacalan.
  5. Tourisme gastronomique fluvial : croisières nocturnes sur la Garonne, accords mets-vins élaborés par la Cité du Vin.

Nuance essentielle. D’un côté, l’innovation attire les médias internationaux – le New York Times a classé Bordeaux dans son « 52 Places to Go » 2024. Mais de l’autre, la montée des coûts matières (+14 % sur le poisson depuis janvier) fragilise les petites tables familiales de quartiers comme Nansouty ou Saint-Seurin. Cette tension façonne une carte culinaire à deux vitesses : luxe expérientiel versus cuisine ménagère revisitée.

Focus chiffres récents

  • 17 % des restaurants bordelais ont adopté la consigne verre consigné en 2024.
  • 8 millions de canelés vendus par l’enseigne Baillardran en 2023, dont 27 % hors France.
  • 1 600 m² : surface du futur pôle d’incubation gastronomique « Darwin Food Lab », livraison prévue fin 2024 sur la Rive Droite.

Comment choisir un restaurant à Bordeaux quand on est néophyte ?

Pour un visiteur qui débarque en gare Saint-Jean, la profusion peut déconcerter. Mes conseils de terrain :

  • Vérifiez la provenance des produits : afficher l’appellation « Agneau de Pauillac » ou « Bœuf bazadais » garantit un ancrage régional.
  • Scrutez la longueur de la carte : moins de 15 références main courses est souvent gage de fraîcheur.
  • Repérez la présence de vins biodynamiques : Château Pontet-Canet, Château Falfas, gages d’engagement environnemental.
  • Observez la rotation menu-midi/menu-soir : signe d’adaptation aux saisons, donc de durabilité.

En suivant ces critères, on maximise ses chances de goûter à l’authenticité tout en soutenant l’économie locale.


Je parcours chaque semaine les ruelles pavées de Saint-Pierre à la recherche de la prochaine pépite. Rien ne remplace l’odeur du beurre noisette qui envahit le Quai des Chartrons à l’aube ou le tintement des verres dans les chais en pierre blonde. Si vous partagez cette curiosité gourmande, gardez l’œil ouvert : j’explorerai bientôt les micro-distilleries de gin bordelais et l’essor du cacao durable sur la Rive Droite. À très vite autour d’une assiette – ou d’un canelé encore tiède.