Gastronomie bordelaise : en 2023, 78 % des visiteurs de la métropole ont cité la table comme première motivation de séjour, selon l’Office de Tourisme. Mieux : 6 restaurants obtiennent une étoile Michelin supplémentaire en 2024, preuve d’un dynamisme rarement égalé. Les fourneaux bordelais bouillonnent. Dans ce dossier, je décrypte les spécialités, les tendances émergentes et les acteurs qui redessinent le paysage culinaire girondin. Attachez votre serviette.
Patrimoine gourmand : héritage et icônes
Bordeaux n’a pas attendu l’explosion de la bistronomie pour se faire un nom. Depuis le XVIIᵉ siècle, le port ouvre la ville aux épices venues des Amériques et d’Asie, influençant durablement la cuisine girondine.
- 1830 : naissance officielle du canelé dans le couvent des Annonciades. Aujourd’hui, 9 millions de pièces sont vendues chaque année dans l’aire bordelaise.
- 1907 : première mention écrite de l’entrecôte à la bordelaise, nappée d’une sauce au vin rouge et à la moelle – un plat devenu manifeste de l’alliance terroir/vigne.
- 1947 : création du gratin de Saint-Émilion, dessert d’amande souvent éclipsé par les vins mais toujours présent dans les repas de prestige.
D’un côté, ces recettes incarnent la mémoire collective ; de l’autre, elles peuvent sembler figées. Les jeunes chefs, eux, les revisitent avec des techniques issues de la gastronomie nordique (cuisson basse température, fermentation lactique). Résultat : l’héritage perdure, mais sans poussière.
Qu’est-ce que l’entrecôte à la bordelaise ?
Plat emblématique, l’entrecôte (généralement 350 g) est grillée à feu vif, puis arrosée d’une sauce réduite à base de vin de Graves, d’échalotes et de moelle de bœuf. La version 2024 de la Brasserie Dubern ajoute un glaçage aux sarments de vigne pour un fumé discret. Prix moyen relevé en avril : 36 €.
Pourquoi les tendances 2024 réinventent-elles la gastronomie bordelaise ?
La question revient sans cesse. La réponse tient en trois points clés.
1. La montée des circuits courts
En 2024, 67 % des restaurateurs bordelais travaillent avec au moins cinq producteurs situés à moins de 100 km (chiffre Chambre d’Agriculture de la Gironde). Les marchés de plein air, de Capucins à Saint-Michel, deviennent des viviers d’ingrédients ultra-locaux : asperge du Blayais, bœuf bazadais, crevette impériale de Médoc.
2. Le végétal gagne du terrain
Si le cannelé reste résolument sucré, les menus plant-forward s’imposent. Chez Symbiose, 60 % de la carte est désormais végétarienne. Un tournant salué par les 35 000 étudiants de l’Université de Bordeaux, sensibles aux enjeux climatiques.
3. Tech & terroir : le duo inattendu
Impression 3D chocolat (expérimentée au FabLab La Cuisine), intelligence artificielle pour ajuster l’accord mets-vins (algorithme VIN.AI lancé en janvier 2024)… La gastronomie bordelaise flirte avec la high-tech sans renier son ancrage paysan.
Bullet points des tendances émergentes :
- Kombucha au raisin Sémillon
- Glace au marc de café Darwin
- Huître affinée au whisky français Moon Harbour
Cheffes et chefs qui font bouger Bordeaux
La scène culinaire repose sur des personnalités fortes. Tour d’horizon.
Philippe Etchebest, le pilier médiatique
Installé au Quatrième Mur, place de la Comédie, il décroche sa première étoile en 2018. En février 2024, il lance un menu « 100 % Sud-Ouest » à 135 €, misant sur le maïs rouge d’Heugas et l’esturgeon d’Aquitaine.
Taku Sekine, l’influence persistante
Bien que disparu en 2020, son passage éphémère au Café Ukiyo continue d’inspirer les jeunes toques, notamment sur l’utilisation du koji dans les sauces bordelaises.
Inés Prud’homme, la révélation durable
À 32 ans, la cheffe du restaurant Plume décroche en mars 2024 le prix Jeune Talent Gault & Millau. Sa signature : un caviar d’Aquitaine sur crème de topinambour fumé.
Établissements à suivre
- Le Chien de Pavlov (quartier Saint-Pierre)
- L’Observatoire du Gabriel (place de la Bourse)
- Racines (Chartrons)
Comment savourer Bordeaux aujourd’hui ?
Une question pratique que se posent gourmets et curieux. Voici mon guide express.
Choisir le bon moment
Mars-juin et septembre-novembre offrent la meilleure fenêtre : moins de touristes, produits de saison variés (mousseron, cèpe, maigre de l’estuaire). En 2023, le taux d’occupation hôtelière chute à 63 % en octobre, contre 82 % en août : parfait pour réserver une table étoilée à la dernière minute.
Visiter la Cité du Vin… puis sortir des sentiers battus
Après l’incontournable expérience immersive, poussez jusqu’au marché de Talence le dimanche matin ; vous y goûterez le vrai crépinette-huître, alliance surprenante de chair de porc et de bivalve.
Budget et formats
- Street-food : 8-12 € pour un banh mi bordelais revisité aux rillettes de canard.
- Bistro-gastro : 35-60 € menu déjeuner (Clos d’Augusta, Haut-Brion).
- Table étoilée : 90-220 € selon accords vins.
Maillage gastronomique et culturel
La ville propose un marathon œnogastronomique en septembre, relié à la Fête du Vin. Une belle passerelle vers d’autres sujets de la scène locale : art contemporain aux Bassins de Lumières, patrimoine fluvial de la Garonne.
Je sillonne les ruelles pavées depuis plus de dix ans ; pourtant, un simple canelé encore tiède rue Sainte-Colombe suffit toujours à me surprendre. Bordeaux, entre vigne et océan, cultive ce pouvoir de renouvellement permanent. Continuez l’exploration : la prochaine découverte gustative pourrait bien se cacher au coin de votre quartier préféré.
