Gastronomie bordelaise : en 2023, 68 % des visiteurs de la métropole déclaraient venir « aussi » pour bien manger, selon l’Office de Tourisme. Le chiffre a bondi de 12 points depuis 2019, preuve que la fourchette bordelaise rayonne autant que son vignoble. Dans une ville qui compte désormais 1 950 restaurants recensés (chiffres Chambre de Commerce, mars 2024), la scène culinaire se réinvente sans renier ses racines. Tour d’horizon analytique, chiffres à l’appui, d’un territoire où tradition et innovation se répondent sans cesse.

Panorama actuel de la gastronomie bordelaise

La métropole bordelaise totalise 11 étoiles Michelin en 2024, soit deux de plus qu’en 2022. Cette progression confirme la vitalité locale : l’ouverture du restaurant Ressources (chef Romain Corbière) et la promotion de l’Hôtel de Pavie à Saint-Émilion en sont les plus récentes illustrations.

Quelques repères chiffrés :

  • 3,3 millions de touristes à Bordeaux en 2023 (INSEE)
  • 38 % des restaurants proposent un menu « locavore » intégrant 70 % de produits régionaux
  • 7 marchés couverts permanents, dont le Marché des Capucins, « ventre de Bordeaux » depuis 1749

D’un côté, la tradition portuaire continue d’influencer les cartes : poissons d’estuaire, épices lointaines, vins mutés (le fameux « baroque clash » entre sucré et salé). Mais de l’autre, on observe l’essor des adresses végétales : Munchies et Monkey Mood enregistrent un taux de réservation moyen de 85 % le week-end (données TheFork, février 2024).

Quelles sont les spécialités incontournables de Bordeaux ?

La question revient inlassablement sur les moteurs de recherche. Voici les réponses, éprouvées sur le terrain :

  • Canelé : petit cylindre caramélisé à la croûte brune, cœur moelleux, inventé par les sœurs des Annonciades au XVIIIᵉ siècle. La Maison Baillardran écoule 25 000 pièces quotidiennes en haute saison.
  • Entrecôte bordelaise : viande de Bazas nappée d’une réduction vin-échalote. Les Brasseries Bordelaises en servent 7 000 portions par mois.
  • Huîtres du bassin d’Arcachon : 315 parcs ostréicoles, affinage de 18 mois minimum.
  • Lamproie à la bordelaise : poisson lampée au sang, mijoté au vin rouge. Classique hivernal indissociable de la Saint-Vincent.
  • Dunes blanches (pâtisseries aériennes de Pascal Lucas), caviar d’Aquitaine, macarons de Saint-Émilion complètent le podium sucré-salé.

Focus sur le canelé : un symbole en mutation

Les puristes défendent la recette AOC : lait, œufs, rhum des Antilles, vanille de Tahiti. Pourtant, depuis 2022, plusieurs maisons testent des variantes : canelé matcha chez Micheline & Paulette, canelé salé au chorizo chez La Toque Cuivrée. Preuve que le produit iconique s’ouvre à la création sans perdre son ADN crousti-fondant.

Chefs et établissements qui font vibrer la scène locale

Philippe Etchebest trône en figure médiatique avec Le Quatrième Mur, brasserie installée dans l’Opéra National depuis 2015 (1 étoile). Son menu signature « Terroir & Océan » affiche un taux de satisfaction de 96 % sur plus de 4 000 avis Google.

Autre locomotive : Tanguy Laviale, ancien de Ferrandi, à la tête de Garopapilles (1 étoile). Il marie huîtres locales et kombucha maison, illustrant la tendance fermentation. À Pessac, Olivier Nasti initie les amateurs aux accords mets-bières craft, tandis qu’au cœur des Chartrons, Fanny Darricau propose chez Mampuku une carte franco-nippone où le miso s’allie au caviar de l’Isle.

Institutions et jeunes pousses cohabitent :

  • La Brasserie Bordelaise (1982) défend l’entre-côte XXL.
  • Miles (collectif australo-franco-argentin) bouscule les codes avec un menu surprise à 45 €.
  • Les Hall Black (food-court inauguré en octobre 2023) rassemblent 12 stands, du ceviche à la grillade landaise, reflet de la mondialisation gourmande.

Tendances 2024 : du terroir au végétal, quel futur pour nos assiettes ?

La gastronomie bordelaise évolue sous l’impulsion simultanée de la conscience écologique et de l’inventivité des cuisiniers.

Pourquoi voit-on fleurir tant de tables végétales ?
Parce que les Bordelais sont 41 % à réduire leur consommation de viande (baromètre Fooding, 2024), et que la proximité du Médoc offre une abondance de légumes anciens (topinambour violet, carotte de sable).

Mais attention : la tradition carnée reste solide. D’un côté, la vague « plant-based » ouvre la voie à des assiettes 100 % terroir-végétal (pois chiches du Lot-et-Garonne, algues du Cap-Ferret). De l’autre, l’IGP Bœuf de Bazas maintient ses volumes : 1 200 bêtes abattues en 2023, quasi stable depuis cinq ans.

Autre mouvement : la valorisation des « seconds vins » dans la cuisine. Le Château Smith Haut-Lafitte déstocke désormais 5 % de sa production pour la sauce bordelaise, garantissant un prix accessible aux restaurateurs. En parallèle, la Cité du Vin multiplie les ateliers accords mets-verticales de millésimes, renforçant le lien oenotourisme-gastronomie (thématique que nous explorerons prochainement).

Comment la scène bistronomique façonne-t-elle l’identité locale ?

Les néo-bistrots, ouverts entre 2020 et 2024, représentent 22 % des nouvelles licences. Leur credo : menu à moins de 32 €, sourcing circuit court, dressage épuré. Ce segment attire une clientèle de 25-40 ans, avide d’authenticité photographiable sur Instagram.

Vers une gastronomie de territoire augmentée

Les chefs collaborent avec des artistes (Street Art sur tonneaux aux Bassins à Flot) et des start-up agri-tech (ferme urbaine Lichens, récolte de micro-pousses livrées en vélo cargo). Résultat : un récit culinaire qui dépasse la simple assiette et touche le design, la sobriété énergétique, l’inclusivité sociale.

Qu’est-ce que la lamproie à la bordelaise et où la déguster ?

Plat historique, la lamproie est un poisson cyclostome pêché dans la Gironde de janvier à avril. Elle se prépare « au sang » : le pêcheur récupère le sang pour l’épaissir avec un roux, avant d’ajouter vin rouge, poireaux et lardons. Pour la goûter :

  • Au Chapon Fin (rue Montesquieu) durant la saison, menu à 72 €.
  • Chez Chez Alriq, guinguette rive droite, version plus rustique, 28 €.
  • Au Marché des Capucins le dimanche matin, stand Casa Ribereña, portion à emporter.

La dégustation s’accompagne d’un graves rouge jeune, ses tanins frais équilibrant la densité du plat.


Le parfum d’un canelé tiède, le sel d’une huître croquée face au miroir d’eau, la rondeur d’un pomerol au comptoir : voilà quelques-uns des souvenirs sensoriels que Bordeaux dépose dans ma mémoire de reporter. Si ces lignes ont aiguisé votre curiosité, laissez-vous tenter par une balade gourmande dans les ruelles pavées ; je reviendrai très vite disséquer les marchés éphémères, les bars à vin clandestins et la nouvelle vague chocolatée qui affole déjà les artisans rive droite. À bientôt autour d’une bonne table.